Thierry MALANDAIN - Pays Basque Excellence
Distingué au titre de ses qualités artistiques, de son éthique personnelle, de son audace de danseur, et de son génie de chorégraphe.

Notre Hommage : Au moment de rédiger un hommage à Thierry Malandain, l’inspiration se dérobe, comme le sol sous les pas du danseur au moment où il s’élance.

De tous les arts, la danse est sans conteste l’art le plus physiquement douloureux, car l’excellence y demande tant de discipline et d’abnégation, qu’elle constitue le meilleur filtre à la fausse ambition, et le meilleur philtre à la passion, en cela que ceux qui entrent dans la danse, non pour s’amuser, mais pour en vivre, voient leur vie magiquement transfigurée.

La vie de Thierry Malandain a connu cette alchimie, heureusement le succès qui a transformé le plomb de l’anonymat des débuts en l’or du succès de la maturité n’a pas altéré l’humilité, la candeur et la pudeur de l’homme.

Au contraire, elle les a libérées.

Ainsi, plus Thierry Malandain avance dans la vie, plus l’homme semble vertueux, lumineux, modeste, habité par une grâce qui le guide comme Terpsichore, la muse de la danse et mère de toutes les sirènes.

Passionné de son art, Thierry Malandain plonge en permanence dans son histoire secrète pour en remonter des perles, ou découvrir des trésors comme la production scénique française de 1870 à l’arrivée des ballets russes, qu’il étudie, revisite, admire…

Thierry Malandain cherche les « oubliés », car il sait que le succès ne retient que ceux qui parlent forts, qui volent la lumière, qui écrasent les pieds ; bien peu les sensibles, les discrets, ceux justement qui sont en général les plus doués et que le système écarte puis oublie dans les loges du grand théâtre du destin.

Ainsi Thierry Malandain n’aime ni les lieux ni les pas communs… Pour lui, la danse n’est pas contemporaine, ou classique ou baroque… La danse c’est la danse, et il sait que nous sommes tous des danseurs nus sur la scène de la vie. Il y a d’ailleurs toujours une grande dimension métaphysique et psychanalytique dans ses chorégraphies, mais jamais rien de pompeux, toujours de l’accessible, car la danse de Thierry Malandain s’adresse autant au divin qu’à l’instinct en nous, il touche au mythologique, à une magie païenne drapée de soie ou portant un tutu, alliant la gourmandise des faunes à la grâce des naïades.

Ainsi, de la même façon que Joseph Campbell a étudié la figure héroïque à travers toutes les civilisations dans son livre « Le Héros aux Mille Visages », Thierry Malandain nous fait aimer Le Danseur aux Mille Pas, ce danseur intime qui est en chacun de nous, et qui cherche à se libérer de ses complexes, de ses doutes, pour tenter un saut dans la joie existentielle de l’inconnu.

D’ailleurs, on peut se demander pourquoi, alors que tous les enfants dansent naturellement dès qu’ils entendent de la musique dans leurs premières années, si peu d’adultes le font encore, ou alors seulement quand ils sont loin des regards.

Il y a dans la danse quelque chose de primitif et de sacré, Thierry Malandain l’a compris, et il nous en livre le sublime pour affranchir le danseur en chacun de nous… N’est-ce pas le rêve ultime de tout chorégraphe ? Faire danser sa troupe sur scène le temps d’un spectacle, et les spectateurs tout le temps d’une vie, ne serait-ce que dans un coin de leur tête ?

Merci donc, Monsieur Malandain, de rendre à travers votre exemple toute la souplesse à nos émotions, de remplir de tendresse nos coeurs trop souvent blessés, et de nous montrer ce qu’un corps, même fatigué, peut faire de l’espace qui l’entoure dès qu’il se met à l’aimer, et surtout à s’aimer.

© Franck Sallaberry pour l’Institut Pays Basque Excellence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La bio : Thierry Malandain, né le 13 avril 1959 à Petit-Quevilly, a suivi le parcours naturel du danseur classique, mais avec un goût marqué pour les marges et une ténacité hors du commun. Ainsi, plutôt que de suivre les grandes formations reconnues, il passe par l’enseignement de Jacques Chaurand, Monique Le Dily, René Bon, Daniel Franck, Gilbert Mayer et Raymond Franchetti : tous éminents et passionnants enseignants à la personnalité aussi forte que pittoresque… Violette Verdy qui préside le concours de Lausanne où il se présente en 1978, l’engage à l’Opéra de Paris pour la saison 1977-1978. Il y rencontre Jean Sarelli, alors « Le » maître de ballet, et le suit lorsque ce dernier prend la direction du Ballet du Rhin. Thierry Malandain reste à Mulhouse jusqu’en 1980, puis rejoint le Ballet Théâtre Français de Nancy que dirige Hélène Traïline et Jean-Albert Cartier. Cela jusqu’en 1986. C’est au cours de ces six années lorraines qu’il fait, avec succès, ses premières expériences de chorégraphe : en 1984, il obtient le 1erPrix du concours Volinine avec Quatuor op3, musique de Guillaume Lekeu, puis après Maguy Marin, en 1985 et 1986, le 1er Prix du concours de Nyon en Suisse avec Sonatine, musique de Karlheinz Stockhausen et Métamorphosis, musique de Benjamin Britten. On notera déjà le choix très exigeant de la musique et l’ambition de ses propositions.

En 1986, Thierry Malandain fait un pari. Il quitte le  Ballet Théâtre Français de Nancy  avec huit danseurs et fonde la compagnie Temps Présent qui s’installe à Elancourt (78), en banlieue parisienne. C’est délibérément choisir les marges et s’assurer d’un travail de titan. Dès la saison suivante, il est lauréat de la Fondation de la Vocation, de la Fondation Oulmont et reçoit le 1er Prix du concours chorégraphique de La Baule, le 1er Prix du concours chorégraphique de Vaison-la-Romaine, et à Paris avec Angelin Preljocaj et Claude Brumachon, le Prix de la Nuit des Jeunes Créateurs… Des pièces comme l’Homme aux semelles de vent (1986) sur une musique de Benjamin Britten, devenue  Les Illuminations (1989) pour le danseur Patrick Dupond et le Ballet National de Nancy, ou Edgar Allan Poe (1988) qui s’appuie sur des partitions de Claude Debussy et André Caplet et surtout Folksongs (1986) sur une musique de Benjamin  Britten – repris par plusieurs compagnies – dont le Ballet de Tours de Jean-Christophe Maillot – contribuent à le faire reconnaître comme un jeune talent prometteur. Alors qu’en pleine année de la danse (1988) on ne parle que des aventures de la Jeune Danse Française, Thierry Malandain est ce chorégraphe qui, comme ses collègues, travaille au développement de la danse en banlieue, mais en revendiquant son attachement au vocabulaire classique. Il chorégraphie même des ballets pour les troupes des maisons d’opéra comme Danses qu’on croise (1987), sur une musique de Johannès Brahms pour le Ballet de l’Opéra de Nantes. Ce singulier positionnement déconcerte le milieu chorégraphique français, mais n’entrave pas l’audience internationale. Au contraire, on commence à parler, en Belgique en particulier, du Français qui crée la même année (1990) Les Sylphides, sur une musique de Frédéric Chopin pour le Ballet royal de Wallonie et Petite Lune (musique de Dmitri Chostakovitch) pour le Ballet royal de Flandres, une performance…

En 1991, Thierry Malandain monte Pulcinella d’Igor Stravinski sur la scène de ce qui est encore la Maison de la Culture de Saint-Etienne. Le directeur, Jean-Louis Pichon est en train de guider l’institution vers son nouveau rôle d’Opéra-Théâtre (il deviendra L’Esplanade en 1994). Il sait qu’il a besoin d’un chorégraphe sensible à la musique et capable de proposer une activité forte sur le terrain. Il propose à la compagnie Temps Présent de l’accueillir en résidence à Saint-Etienne. C’est le début d’une aventure de six ans qui verra le chorégraphe créer plusieurs de ses ballets les plus repérés : La Fleur de pierre (1994) de Serge Prokofiev, l’Après midi d’un faune (1995) de Claude Debussy, Ballet mécanique (1996) de Georges Antheil, Sextet (1996) de Steve Reich, Casse Noisette (1997) de Piotr Ilitch Tchaïkovski… et engager une très originale démarche : recréer les ballets du compositeur stéphanois Jules Massenet.

C’est alors en 1997 que le chorégraphe reçoit une proposition : le Ministère de la Culture et de la Communication et la ville de Biarritz lui offrent de fonder dans la station balnéaire basque le premier Centre Chorégraphique Contemporain de style classique. L’affaire se déroule assez rapidement au point que dès septembre 1998, le Centre Chorégraphique National – Ballet Biarritz voit le jour et s’installe dans la Gare du Midi, vaste édifice déserté par les trains et qui domine de ses deux hautes tours carrées la douceur des jardins biarrots.

L’activité de la compagnie n’en diminue pas. A partir de 1999, toujours soutenue par Jean-Louis Pichon, commence l’intégrale Massenet, avec Le CidLe Carillon et Cigale. En 2000, La Chambre d’Amour, création musicale de Peio Çabalette évoque une belle légende locale comme hommage au nouvel ancrage du chorégraphe. En 2001, c’est un fameux programme d’Hommage aux Ballets russes plein de verve et d’irrévérence qui attendrit.

En 2003, avec Les Créatures, musique de Ludwig van Beethoven, Ballet Biarritz franchit une étape créative importante. La pièce, forte, graphique, ambitieuse, dégage un sentiment de maturité et d’aisance qui lui assure une reconnaissance importante. Pour la première fois, grâce à Dominique Hervieu et José Montalvo, la troupe se produit officiellement à Paris (Théâtre national de Chaillot), tandis qu’à Moscou, Les Créatures sont nominées aux Benois de la Danse et recoivent à Cuba, le Prix de la Critique du XIXème festival International de Ballet de La Havane.

En 2004, Le Sang des Étoiles conforte ce succès. C’est à partir de ce moment que le CCN devient l’un de ceux assurant le plus grand nombre de représentations annuelles, accompagné d’une forte présence internationale. L’institution monte aussi en puissance. En 2000, sa capacité à susciter l’accord amène presque naturellement Thierry Malandain à la tête du Temps d’Aimer, festival qu’organise la ville. La même année, il fonde à Donostia-San Sebastián un junior ballet transfrontalier avec la collectivité basque espagnole. Pendant quatre ans, tout cela est mené de front.

En 2005, souhaitant se concentrer sur son travail, le chorégraphe abandonne la direction artistique du festival le Temps d’Aimer. Il enchaîne alors deux pièces sur l’esprit du ballet préromantique, Les Petits Riens (2005) de Wolfgang Amadeus Mozart et Don Juan (2006) sur la partition de Christoph Willibald Gluck tandis que sur une musique d’Alfred  Schnittke, il honore avec L’Envol d’Icare (2006), nominé à Moscou aux Benois de la Danse, sa première commande pour le Ballet de l’Opéra national de Paris. Nombreuses des 80 œuvres de Thierry Malandain sont d’ailleurs au répertoire d’autres grandes compagnies, de Caracas à Hong Kong, en passant par West Palm Beach, Aspen, le Caire, Riga, Tunis, Karlsruhe ou encore au Sadamatsu Hamada Ballet, au Teatro di San Carlo de Naples, au Staatsoper, au Volksoper de Vienne. En France, au Ballet de l’Opéra national du Rhin, au Ballet national de Marseille, au Ballet de l’Opéra national de Bordeaux, au Ballet du Capitole de Toulouse, etc.

2008, c’est l’année de L’Amour sorcier de Manuel de Falla et à l’écoute de Diego Vélasquez, Le Portrait de l’infante, musique de Maurice Ravel avec sur scène trois Ménines du peintre et sculpteur espagnol, Manolo Valdès. Mais il faut croire qu’il est impossible de s’éloigner du travail de terrain. Fin 2008, après avoir fêté les dix ans de présence dans la ville, à la demande de Didier Borotra, maire de Biarritz, le chorégraphe reprend la direction du festival le Temps d’Aimer. Ce qui ne l’empêche pas de remonter en décembre une nouvelle production de Carmen (1996), musique de Franz Schubert, l’œuvre qui décida de sa nomination à la tête du CCN Ballet Biarritz.

En août 2009, Thierry Malandain est élevé au grade d’officier des Arts et Lettres. C’est avec une nouvelle appellation « Malandain Ballet Biarritz » que débute pour le chorégraphe une nouvelle ère. S’ensuivent la création de Magifique (2009), musique de Piotr Ilitch Tchaïkovski et du Roméo et Juliette (2010) d’Hector Berlioz, deux ballets qui rencontrent les faveurs du public et de la critique. Avec Lucifer (2011), Thierry Malandain, pour la seconde fois de sa carrière collabore avec un compositeur, Guillaume Connesson. La partition est créée par l’Orchestre de Pau Pays de Béarn dirigé par son chef Fayçal Karoui, également directeur musical du New York City Ballet. En 2012, pour fêter les dix ans d’une riche collaboration, l’Opéra de Reims passe commande d’un ballet auprès de Thierry Malandain. Ayant carte blanche, le chorégraphe en profite pour explorer un autre univers musical en réglant Une Dernière chanson sur des chants traditionnels français interprétés par Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre. Cette oeuvre est récompensée par le Grand Prix – catégorie danse – du Syndicat de la Critique Théâtre, Musique et Danse en 2012.

En 2013, alors que le Malandain Ballet Biarritz dépasse désormais les cent représentations annuelles, à la demande de Laurent Brunner, directeur de l’Opéra royal de Versailles, le chorégraphe créé Cendrillon sur la partition de Serge Prokofiev. Outre le merveilleux écrin de l’Opéra royal du Château de Versailles, sous la direction de Josep Caballé-Domenech, les représentations bénéficieront du concours de l’Orquesta Sinfónica de Euskadi originaire de Donostia-San Sebastián. Triomphe d’humanité, Cendrillon fait l’unanimité de la presse et du public et en 2014, Thierry Malandain reçoit à Berlin le Prix du meilleur chorégraphe aux Taglioni European Ballet Awards décerné par la fondation Malakhov.

En 2017, après ses représentations parisiennes de sa création Noé à Chaillot-Théâtre national de la Danse, le Malandain Ballet Biarritz reçoit le prix de la « meilleure compagnie » décerné par l’Association professionnelle de la critique de théâtre, de musique et de danse.

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