Distingué au titre de ses qualités artistiques, de sa sensibilité poétique et pour faire des scènes de plage un hommage à l'humanité dans toute sa vérité nue...

© Photo : merci à MATHIEU THOISY.

NOTRE PORTRAIT :

Mathieu THOISY, le seigneur de la plage…

J’ai découvert Mathieu Thoisy par l’intermédiaire d’une amie qui avait une de ses photos de plage chez elle… Une photo dans laquelle je me surprenais à me perdre, comme en transe, chaque fois que je la contemplais… Une histoire de symétrie parfaite, de scènes volées, de composition d’une maturité rare qui m’envoûtait alors que je suis rarement sensible à la photo, à peu d’exception…

J’ai demandé à cette amie, Marie H.L., de me le faire rencontrer, après l’avoir juste croisé une ou deux fois autour des Halles de Biarritz… Et j’ai compris…

Mathieu Thoisy est arrivé dans le hall de l’hôtel Regina, et j’ai tout de suite été surpris par ses faux airs de Xavier Bardem…

Il s’est assis, mi-timide, mi-sauvage, et je lui ai demandé de raconter sa vie, car j’aime les destinées…

Une vie commencée à Paris, un milieu modeste, mais aimant, une mère qui se prive pour lui payer une école privée de photo dans laquelle il ne se reconnaît pas.

Des débuts dans le reportage de sport pour un magazine de rugby et un magazine de boxe qui lui donne le sens des dynamiques, des trajectoires, des reliefs de chair et des mouvements arrêtés pour la postérité.

Des photos de sport, de corps sublimés par l’effort, d’exploits physiques oubliés s’il ne les avait pas fixés, vendues à Libération, au Figaro, à Canal + et à différents grands médias… Puis le rythme frénétique qui s’enclenche, puis un début de burn-out, puis l’envie d’un changement de vie qui vient comme une évidence avant d’exploser en plein vol…

Presque un cliché aujourd’hui qui est repris à l’envi dans les Magazines comme Psychologies, Elle, Marie-Claire… L’histoire de l’urbain qui se brûle aux faux soleils de l’ambition et qui décide renoncer aux sirènes du succès pour refaire sa vie en province, en renouant avec les racines du vrai…

Sauf que là c’est une histoire vraie…

Mathieu vend donc le petit studio qu’il a acheté avec des scènes de vies volées aux autres pour rebâtir la sienne et se trouver un endroit où tout recommencer…

Il pense au Pays Basque découvert à travers le Rugby…

Il charge tout ce qui lui reste et roule, roule, roule avant d’échouer sur la Côte des Basques, comme un migrant d’un genre différent.

C’est le printemps, il fait le tour des écoles de surf et se fait cruellement rejeter, jusqu’à qu’un mec plus intelligent que les autres décide de lui donner sa chance.

Mathieu est prié de prendre en photos les Gourmets de tous les âges, les novices qui tentent de tenir sur une planche sans trop savoir comment…

Les débuts sont difficiles, il a du mal à rentrer dans le microcosme de la Côte des Basques, un monde en soi à Biarritz qui est un monde en soi au Pays Basque qui est un monde en soi en France…

Après un an, son talent commence à se déployer… Parce qu’au-delà des photos de gens qui tombent à l’eau, et qui se relèvent, ce qui en soi est une belle et cruelle métaphore de nos vies, Mathieu découvre la magie de la photo de plage et tout ce qu’une photo de centaines de gens en maillots de bain peut révéler de notre humanité.

Les corps dévêtus, avec toutes leurs imperfections et tout leur charme, en disent beaucoup plus sur notre condition que bien des ouvrages de philosophie… À travers ses clichés, Mathieu nous permet de devenir voyeurs et de regarder en prenant notre temps les autres, alors que nous sommes obligés de le faire à la dérobée quand nous sommes comme eux, allongés sur nos serviettes, les membres couverts d’huile et les idées couvertes de contradictions.

Regarder ses photos c’est un peu comme jouer à Où est Charlie ? Ces dessins de scènes complexes où l’on doit retrouver, parmi des centaines de personnages loufoques, un binoclard longiligne portant un pull et un bonnet rayé de rouge et de blanc, les couleurs du Biarritz Olympique, curieusement…

Sauf que là, Charlie, c’est notre humanité justement, et que c’est elle que nous cherchons à travers les muscles et les bourrelets, les grimaces et les sourires, les mamans débordées et les bimbos apprêtées, les galbes et les os saillants, les élégances et les vulgarités, les enfants et les vieillards, les espoirs et les déceptions, les pères aimants et les cavaleurs ailleurs, de ces centaines de clichés figés d’inconnus tannés par le même soleil.

Ainsi, Mathieu Thoisy est un sociologue, un Bourdieu qui s’ignore, le révélateur d’une époque où les femmes peuvent encore se promener seins nus, les obèses peuvent s’offrir au regard des autres sans être montrés du doigt, et les vieux afficher ce que le temps fait à un corps jadis plein de promesses et de vie, comme pour nous dire « profitez de votre jeunesse, elle durera bien moins que le sable dont les gamins font les châteaux… »

En cela, Mathieu Thoisy  est un magicien. Prendre le temps de regarder ses photos de plage, c’est regarder ce que nous sommes droit dans les yeux, sans fard, c’est être traversé parfois par la gêne, parfois par l’admiration, presque toujours par la tendresse…

Dans une société qui sublime le corps dans la publicité ou qui le prostitue dans le porno, Mathieu nous en montre l’humaine crudité.

Même les plus belles femmes du monde ont leurs complexes, les photographes de mode ne le savent que trop.

Pourtant c’est en prenant des photos de vacances sur la plage, en fixant la réalité de nos sociétés à demi nues, que Mathieu nous offre toute la beauté de ce qui fait notre humanité… et regarder ses œuvres a le pouvoir de la méditation profonde, un mélange de catharsis et de révélation qui, je crois, nous rend meilleurs, ou du moins, moins mauvais…

VOUS

Quel héros vous fascinait quand vous étiez enfant ?

Enfant, ce n’est pas un mais des héros qui me fascinaient : les membres de l’équipe du BO de l’épopée 92 – Blanco, Daguerre, Corrihons et son drop à la dernière minute du quart de finale contre Bayonne à Tarbes, Feuillade, Hontas, Arrieta, Lecouona, Gouloumet, Condom, Ondarts Mondela… que j’ai eu la chance de côtoyer grâce à mes parents.

Quelles sont les valeurs qui vous sont essentielles ?

Le respect, la bienveillance, et l’amour envers les autres.

Quel souvenir aimeriez-vous laisser à ceux que vous aimez ?

Mon envie d’aimer la vie, la famille, les ami(e)s.

VOTRE TRAVAIL

Quel a été votre premier job dans la vie ?

Commerçant au quartier Saint-Charles à Biarritz dans la boutique de mes parents, Photo Bernard.

A quoi ressemble une de vos journées ?

Ce ne sont jamais les mêmes, mais en règle générale, la journée j’ai la tête dans le guidon, et la nuit je pense et j’analyse.

Quelles sont les qualités professionnelles que vous appréciez ?

La curiosité, la recherche permanente de nouvelles idées, l’investissement.

VOTRE PAYS BASQUE

Quel est votre meilleur souvenir au Pays basque ?

Il n’y en a pas un mais des milliers et ils sont souvent déclenchés grâce à des moments de partage avec les autres.

Quels sont les endroits que vous aimez fréquenter ?

Bilbao, San Sebastian, Pampelune, Saint-Jean-de-Luz, Biarritz, Bayonne, Anglet … nous découvrons toujours de belles choses si nous les cherchons.

À quoi ressemblerait votre Pays Basque Idéal ?

A celui d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Chaque génération doit façonner son Pays basque, cela nous permet de conserver nos traditions et de les faire évoluer avec son temps.

VOTRE GRANDE QUESTION

Faut-il assaisonner la côte de bœuf, avant, pendant ou après cuisson ?

J’ai quand même ma petite idée ; )