NOTRE HOMMAGE :
Il y a des éditeurs de romans, des éditeurs de musique, j’ignorais qu’il existât des éditeurs d’Art avec de rencontrer Marc Alexandre Ducoté.
J’adore le philosophe stoïcien Marc Aurèle qui fut aussi un immense empereur romain, mais, ironie du sort, le père de Commode, un fou du niveau d’un Caligula.
J’aime beaucoup aussi la figure d’Alexandre le Grand, un grec, macédonien, une sorte de découvreur guerrier qui conquit le monde de son époque tout en sachant se faire aimer…
Nous savons désormais en psychologie cognitive que le prénom que l’on donne à son enfant a beaucoup d’influence dans la vie, en termes de repères et de confiance en soi… La répétition des prénoms Roger, Kevin ou Matteo quand on vous appelle, cela ne produit pas la même musique ni les mêmes connexions dans sa tête.
Quand on porte deux prénoms d’empereurs éclairés, on part donc avec un certain avantage, et cet avantage Marc Alexandre l’a visiblement conservé.
La chose qui m’a frappé quand je l’ai rencontré, c’est d’abord son épouse Elodie qui m’a fait visiter leur espace galerie, tandis que Marc Alexandre était au téléphone. Ce qui m’a un peu dérouté chez elle, c’est sa simplicité, sa gentillesse, son intelligence dans un monde de l’art qui donne parfois envie aux plus tolérants des critiques d’enfoncer la tête des pseudo artistes dans leurs pseudo oeuvres histoire d’en faire quelque chose d’enfin signifiant.
Kant l’a bien expliqué : personne ne sait ce qu’est le Beau, mais chacun sait ou pressent ce qui est beau. Là est le paradoxe. La beauté est universelle, mais elle n’est pas conceptuelle, mais ni présumable, ni résumable. Or nous vivons dans une époque qui décrète régulièrement que le laid devient le nouveau beau pour des raisons mercantiles, car dès lors davantage de personnes peuvent se prétendre artistes et faire de l’art pour les gens : donc de l’argent.
Ceci est d’autant plus triste que pendant ce temps de vrais artistes, eux, se suicident, rendus fous par ce nouveau règne du mauvais goût élevé en canon dans un certain art contemporain qui n’est que de l’art comptant pour rien… Ainsi, pour un génial Pierre Soulages combien d’accablants Paul Souffrances ?
Bref. Les métiers de l’art comme celui de créateur galeriste, supposent de la culture, de la curiosité, une connaissance des techniques et une immense exigence dans ses choix, plus que de prendre des poses dans les expos, de faire du name dropping sur les artistes à la mode, ou de penser que le monde tourne autour de son nombril, voire dix centimètres plus bas. Car les vrais artistes sont dans leurs ateliers, pas dans les vernissages, et savoir les découvrir et les apprivoiser, est en soi un métier.
Or, dès les premières secondes, j’ai senti une grande exigence professionnelle, une sensibilité créative, et une lucidité lumineuse chez Élodie pendant qu’elle me montrait leur espace d’exposition, sobre et trendy, puis quand j’ai vu arriver Marc Alexandre, sorte de géant doux et élégant, j’ai tout de suite compris que j’étais en face de quelqu’un de bien, qui savait de quoi il parait, quelqu’un d’une humilité rare dans la profession, celle des grands.
Cela fait du bien de rencontrer des gens biens, j’en rencontre beaucoup, mais Marc Alexandre était nimbé d’une armure, normal pour un double empereur, de calme presque timide, et avec ses lunettes aux montures épaisses, il me faisait penser à mes copains de collège, ceux qui avec moi se prenaient des raclées, juste parce que nous avions les meilleures notes, nous n’aimions pas le foot, et nous jouions aux échecs au lieu de courir les filles. En réalité, en jouant aux échecs, nous nous préparions à développer plus tard des stratégies de séduction que nous savions inutiles tant que notre acné nous transformait en faces de pizza. Nous savions au fond de nous qu’un jour nous prendrions notre revanche sur ces CCPN tout en muscles qui étaient les sinistres rois de la cour… Et nous l’avons prise cette revanche… D’ailleurs, la complicité qui planait entre Marc Alexandre et Élodie, l’espace magnifique qu’ils avaient créé sous l’agence d’architecte de cette dernière, l’évocation de leurs enfants, étaient en soi la preuve du plus grand des succès : le bonheur.
Nous avons échangé près de deux heures avec Marc Alexandre ; il m’a parlé de sa démarche, celle d’assembleur, d’inspirateur, de chef d’orchestre qui prend ici des designers, là des artisans locaux, pour éditer des objets d’Art, aussi beaux que pratiques, dont la vocation est de rendre la vie aussi douce que belle.
Ces oeuvres-objets, dont la première collection s’appelait « Artzain « et était donc inspirée des Bergers, sont créées en éditions limitées, et sont le fruit d’un véritable dialogue entre celui qui les pense et celui qui les façonne. Un dialogue imprégné du respect, tangible, que Marc Alexandre et son épouse témoignent aux gens, aux créations, et à leur métier. Chose de plus en plus rare en ce monde…
Être capable de faire un pas de côté pour apprécier une perspective tout en regardant les gens droit dans les yeux en leur souriant, parler doucement, mais d’une voix qui porte, être à la fois très doué et très humble, assertif et timide, être originaire d’ailleurs, mais comprendre la culture basque et vouloir la faire vivre et la sublimer, c’est tout cela les Ducoté.
Que leurs créations se nomment Le Rayon Vert, Les Lignes, UBO, Bastoï-Basoa, Maddi, ou Elkano, que ce soit un siège pendulaire, une table en transparence, un ensemble de patères inspiré des meubles d’estive, un paravent de bois « ondulaire » créé par Lee-Ann Curren, trois tables gigognes ou un miroir dans lequel on aime se perdre, elles évoquent toutes des sentiments à la fois forts et profonds, et cette transmission d’émotions, est pour moi la plus belle définition de l’art.
Frédéric Nietzsche a dit que l’art était ce qui empêchait la vérité de nous rendre fous… Les Éditions du Côté, ont visiblement le pouvoir de nous rendre sages…
Quand j’ai quitté Marc Alexandre, sur le seuil de sa porte, il m’a demandé timidement s’il pouvait m’envoyer une photo de lui avec son épouse, car il avait lancé cette aventure avec elle, et qu’il trouvait juste que l’hommage ne porte pas seulement sur lui… Je lui ai dit que j’allais réfléchir, car en général nous mettions en avant un talent, pas un duo. Mais en réalité, ma décision était prise…
J’ai traversé leur quartier calme de Biarritz pour regagner ma voiture, l’air était chaud, le ciel gris ; ce contraste était à l’image de ce que je ressentais : j’étais heureux pour eux deux, et un peu triste pour tous les couples de créateurs qui ne connaissent que le gris, et j’ai repensé à Nietzsche… Oui vraiment, l’art est ce qui nous empêche de devenir fous face à la cruelle vérité du monde, et heureusement, de l’art, je venais d’en prendre une bonne dose chez les Ducoté.
© Franck Sallaberry pour l’Institut Pays Basque Excellence.
SON AUTOBIOGRAPHIE :
Je suis arrivé au Pays Basque en 2006, et après de nombreuses années au sein des équipes produit de Quiksilver, j’ai décidé de changer de voie et d’entreprendre dans les domaines de l’art et du design. Tombé amoureux du Pays Basque, j’ai créé avec mon épouse Elodie Maentler les éditions du coté, une entreprise dont la mission est de valoriser cette belle région à travers son patrimoine vivant, les artisans. Nous les faisons collaborer avec des artistes de tous horizons pour créer des « sculptures fonctionnelles » qui racontent le territoire de manière sensible. Notre galerie biarrote, ouverte sur rendez-vous, est un lieu d’échange où nous exposons nos éditions ainsi que les travaux d’artistes et artisans locaux.
VOUS
Quel héros vous fascinait quand vous étiez enfant ?
Pas de héros, mais des personnes de mon entourage que j’admirais. Souvent ceux qui osaient.
Prépondérance de la vie, Intégrité, Responsabilité, Transmission, Ouverture, Confiance, Liberté.
Quel souvenir aimeriez-vous laisser à ceux que vous aimez ?
Celui d’un homme qui a fait du mieux qu’il a pu pour transmettre ce qu’il a (appris et) compris.
VOTRE TRAVAIL
Quel a été votre premier job dans la vie ?
Marketing dans une SSII.
A quoi ressemble une de vos journées ?
A tout sauf à la journée de la veille. Une vie d’entrepreneur, avec changement de casquette 10 fois par jours.
Quelles sont les qualités professionnelles que vous appréciez ?
Franchise, respect, sens des responsabilités, passion et enthousiasme.
VOTRE PAYS BASQUE
Quel est votre meilleur souvenir au Pays basque ?
Les moments passés en famille au contact de la nature, et les repas gastronomiques avec les amis.
Quels sont les endroits que vous aimez fréquenter ?
Les bonnes tables, en Iparralde comme en Hegoalde, la côte des Basques, les ateliers d’artisans dans l’arrière pays…
À quoi ressemblerait votre Pays Basque Idéal ?
Les Pays Basque EST idéal… veillons à ce qu’il le reste, en gardant son ouverture, en préservant ses racines, et en les conjuguant au présent. Quant à la tranquilité : c’est une question de politique immobilière, de réseaux et d’urbanisme.
VOTRE QUESTION
Quelle question aimeriez vous poser si vous étiez sûr(e) d’avoir la réponse ?
La question a un biais et donc voici la mienne : univers ou multivers ?