Distingué au titre de ses qualités humaines, de sa connaissance des écosystèmes de recyclage et pour avoir créé Tree6clope une organisation qui collecte et recycle des tonnes de mégots chaque année.

NOTRE PORTRAIT :

L’HOMME QUI NE MEGOTAIT PAS AVEC L’ÉCOLOGIE…

Quand il arrive accompagné d’une de ses collaboratrices dans le hall d’un grand hôtel biarrot, l’allure de Laurent Donse me fait aussitôt penser à celle d’un champion de surf comme Tom Curren.

Il est calme, très posé, comme s’il sortait d’une heure de méditation ou d’une longue session de surf, peut-être est-ce le cas, du reste.

La pudeur, la réserve, la modestie de cet homme né à Bayonne qui a fait l’ISC Paris, tranche avec sa stature, on comprend qu’il ne joue pas sur les apparences.

Sa voix est douce, empreinte de respect, et en quelques phrases on sait que l’on a affaire à quelqu’un de vrai. Ouf de soulagement personnel.

En effet, l’écologie économique et les Green Tech sont devenues des modes, comme le yoga et le coaching…

Des start-up fictives, vertes surtout comme le Dollar naissent tous les jours perfusées aux subventions.

Des structures fantoches qui survivent à peine quelques mois après la parution de leur photo de naissance dans la presse, puis disparaissent avec les dizaines de milliers d’euros d’aide de la Bpi, de l’Europe ou des organismes qui prennent aux contribuables pour financer les projets de quelques happy few.

Aussi, je crains toujours de tomber sur un opportuniste qui, sous couvert de faire de belles choses, profite surtout d’un système bureaucratique et administré mal calibré pour différencier le bon projet de l’escroquerie écologique déguisée.

En fan de Frédéric Bastiat, un génie économique né à Bayonne en 1801 et inventeur du libéralisme éclairé, plutôt de gauche d’ailleurs, je fais en effet davantage confiance aux entrepreneurs qui jouent avec leur argent que ceux qui jouent avec celui des contribuables… ; )

Heureusement, nous n’en sommes pas là avec Tree6clope, la mission de l’association est vertueuse, comme celui qui la porte.

Je teste Laurent Donse sur quelques questions. Il me parle franchement de ses expériences professionnelles dans sa vie d’avant, prend position avec bienveillance, mais sans naïveté sur deux ou trois choses que nous trouvons tous les deux étranges dans le paysage politique, professionnel et éthique local.

Il ne se laisse pas aller à la médisance facile, mais à l’analyse posée, constructive, éclairée. Il me semble voir sous mes yeux réapparaître l’ancien cadre du grand groupe international qu’il a été (Kronenbourg, La Mondiale), et j’apprécie son intelligence diplomatique, sa modération, et son humour feutré.

Les débuts de l’histoire…

Après ce tour de chauffe, Laurent Donse me raconte son histoire, ce voyage à la New-Orleans en 2015 au cours duquel il tombe en ville sur un autocollant qui parle de « recyclage de mégots de cigarettes ».

Une interpellation qui le hante jusqu’à son retour en France. Car comme beaucoup d’entre nous, il a été un fumeur occasionnel, festif, mais il ne connaît rien des dégâts écologiques occasionnés par les mégots.

Après quelques recherches, il découvre la monstrueuse pollution causée par les cadavres de cigarettes jetés au sol :

Dans le monde, 4 300 milliards de mégots de cigarettes sont jetés dans les rues chaque année soit 137 000 mégots par seconde.

En moyenne, il faut 12 ans pour que ces mégots se dégradent complètement. Une vraie plaie pour l’environnement et les budgets municipaux.

  • Chaque mégot jeté au sol pollue jusqu’à 500 litres d’eau,
  • chaque mégot renferme jusqu’à 4000 produits toxiques, dont des poisons comme l’arsenic…
  • 850 millions de tonnes sont jetées chaque année dans la nature,
  • Un déchet sur deux ramassé sur les plages est un mégot de cigarette
  • Les mégots sont omniprésents et ne sont pas bio dégradables.

Plus que les sacs plastiques ou les pailles, ce sont les mégots de cigarettes qui pollueraient le plus les océans, une réalité que Nicolas Hulot a rappelée peu avant sa démission. Non seulement les filtres de cigarettes sont légion, mais leur élimination n’est pas réglementée à l’échelle de la planète.

En conséquence, une grande partie finit dans les mers et océans. Dans l’océan, le filtre se délite en particules microscopiques qui intoxiquent toute la faune aquatique.

Des scientifiques, universitaires, activistes écologiques et politiques se sont même regroupés au sein de la Cigarette Butt Pollution Projet, une société à but non lucratif qui tente de recentrer le combat pour s’attaquer à ce problème. Leur objectif : faire interdire les filtres à cigarettes aux États-Unis, et partout ailleurs dans le monde.

À ce titre et entre nous, qui n’a jamais vu un sociopathe vider son cendrier sur la route au feu rouge, comme si de rien n’était ? Et qui ne continue pas à voir des fumeurs et des fumeuses jeter leurs mégots sur la route comme si nos rues étaient des cendriers ? Cela révèle beaucoup de choses sur eux, non ? F.S.

Bref, Laurent Donse comprend qu’il faut faire quelque chose pour arrêter ça !

C’est une sorte de révélation, car après une belle carrière professionnelle, il a envie de donner du sens à son prochain job. Ce sens, il l’a trouvé ! Mais comment faire quand tout est à faire ?

En janvier 2016, pour faire un état des plages basques, il fait une petite promenade en front de mer de Biarritz, et compte environ 150 mégots au sol sur 250 mètres de plage, à 10 mètres de l’océan. C’en est trop, il décide de s’engager ! S’il ne le fait pas, personne ne le fera à sa place !

Rapidement, une petite enquête dans l’entourage proche montre que tout un chacun se sent concerné par le problème, mais que rien n’est organisé sur le plan local pour s’attaquer sérieusement à ce fléau.

Sur ses fonds propres, Laurent Donse lance un test à taille réel au printemps 2016 et collecte 80.000 mégots auprès d’une vingtaine de restaurateurs.

C’est à la fois une victoire sur ses idées, et une terrible menace qui pèse sur les écosystèmes marins locaux.

Afin de donner un cadre et un statut à sa démarche, il crée son association fin mai 2016 et le premier cendrier interactif « Ballot Bin » est installé fin juin. C’est une sorte de boîte aux lettres jaunes avec une façade transparente qui montre les mégots qui y sont jetés. Vous l’avez déjà forcément vue.

Le discours de Laurent et la réalité des chiffres frappent les consciences : les hôteliers, les restaurateurs, les bars locaux s’engagent à ses côtés pour protéger nos plages, nos cours d’eau. Car un mégot jeté dans un caniveau ou une bouche d’égout finit à l’océan.

Un an après, en 2017 Tree6clope est fort de 200 adhérents (Particuliers, Cafés, Hôtels, Restaurants, Collectivités et Entreprises), plus de 150 cendriers sont installés et le cap des 2 millions de mégots collectés est franchi !

Dès 2017, l’accompagnement collectif permet de structurer et de donner de la dynamique au projet qui est à un tournant de son évolution : l’objectif est alors de dépasser le stade expérimental et d’accélérer fortement son développement ; de passer de la Start-up à la Run-up !

Très soucieux du recyclage des mégots, Laurent Donse trouve une société, Mégo ! à Brest, qui transforme l’acétate de cellulose des filtres en éléments de mobilier et une autre, le Sitcom 40 de Benesse Marennes, qui les brûle en milieu confiné pour produire de l’énergie utile tout en filtrant bien entendu les fumées.

Aujourd’hui, l’association continue sa croisade avec ses 350 adhérents.

Elle collecte, pèse, stock puis contribue à recycler leurs mégots avec deux filières distinctes : production de plastique recyclable et production d’énergie propre.

Chaque établissement sait précisément combien de mégots il génère, et donc le poids de sa bonne action puisque ces mégots-là au moins, ne finiront pas dans l’océan où jouent nos enfants.

Tree6clope est toujours une association à but non lucratif qui compte quatre permanents, comme Marie qui a accompagné son Boss au rendez-vous. Marie est une spécialiste des écosystèmes marins, qui a fait une partie de son cursus au Canada, et compte bien contribuer au succès de Tree6Clope et à la propreté des plages basques.

Aller plus loin dans la démarche…

En cet automne 2019, les demandes de collaboration affluent de partout en France, mais Laurent Donse veut d’abord bien s’occuper de protéger le Pays Basque, puis le littoral landais, et après, il remontera probablement la côte atlantique jusqu’à la Bretagne puis s’occupera de la côte méditerranéenne.

Cependant, même un mégot jeté dans le centre de la France a de grande chance de finir à la mer ou dans une rivière. Le défi est donc immense.

C’est pour cela qu’il faut des hommes comme Laurent Donse et des associations comme Tree6clope pour le relever ! 

Laurent Donse est une sorte de Gunter Pauli Basque. À ce titre, nous espérons non seulement que 100% des établissements CHR et autres producteurs de mégots (le parvis des cinémas, des grandes surfaces…) intégreront Tree6clope avant fin 2020 pour adhérer à une belle action, mais que fort de ce succès, Laurent Donse mettra son charisme et son intelligence verte au service d’autres projets en faveur de l’écologie basque, une écologie pratique qui peut justement s’inspirer de la blue économie de ce cher Gunter !

 

SON AUTOBIOGRAPHIE :

Né à Bayonne, j’ai effectué l’ensemble de ma scolarité à St Jean de Luz avant de faire une préparation aux Grandes Ecoles puis d’intégrer une Ecole Supérieure de Commerce à Paris.

A l’issue des études et après un passage à l’armée, j’ai intégré le Groupe BSN (devenu Danone) au sein des Brasseries Kronenbourg avec différentes fonctions dans le commercial, la gestion et l’animation des ventes au niveau national.

En 1999, Je créée un véritable Pub Irlandais à Bayonne (Katie Daly’s Irish Pub), affaire toujours en activité aujourd’hui, puis travaille au bureau des Congrès de Biarritz.

Depuis 2016, je développe le projet Tree6clope visant à bannir les mégots de cigarettes au sol sur notre territoire (pour commencer !)

Trouver du sens dans ce que l’on fait…

Au contact permanent de la nature dès mon plus jeune âge, j’ai eu la chance de passer toutes mes vacances été comme hiver, en (haute) Montagne et le reste du temps au bord de l’océan.

Au fil de longues randonnées, souvent de plusieurs jours, dans des conditions parfois difficiles, j’ai appris à respecter cet environnement, exigeant mais somptueux, ne se dévoilant dans toute sa splendeur qu’au bout de l’effort.

C’est là probablement que j’ai ressenti la plus parfaite plénitude, le plus profond bonheur, le sentiment d’être exactement là où il fallait.

Lors de mes études puis de mes fonctions dans des grands groupes, j’ai découvert l’univers de la concurrence, de l’insatisfaction permanente, du toujours plus ; J’ai découvert et expérimenté qu’on pouvait gagner beaucoup d’argent, obtenir davantage de responsabilités, des fonctions plus “prestigieuses” en être perpétuellement insatisfait.

J’ai découvert qu’on pouvait vivre complètement à coté de ses pompes et passer complètement à côté de bonheurs simples.

© Franck Sallaberry pour L’institut Pays Basque Excellence / Crédit Photo : Laurent Donse

VOUS

Quel héros vous fascinait quand vous étiez enfant ?

Après un petit passage par Superman (!) c’est surtout Joshua Slocum qui me fascinait : premier navigateur à réaliser le tour du monde à la voile en solitaire, au 19ème siècle.

Quelles sont les valeurs qui vous sont essentielles ?

Respect, empathie, honnêteté, sens de l’engagement.

Quel souvenir aimeriez-vous laisser à ceux que vous aimez ?

Bienveillance et gentillesse…

VOTRE TRAVAIL

Quel a été votre premier job dans la vie ?

Un Job d’été pendant un mois comme ouvrier sur le chantier de construction de l’autoroute entre Pau et Toulouse. Mon équipe construisait les tunnels sous les voies : tellement physique que je faisais une sieste entre midi et deux et le soir en rentrant. Epuisant !! Et immense respect pour les gens qui font ça toute leur vie.

A quoi ressemble une de vos journées ?

Aucune journée n’est identique à une autre, mais toujours travail de terrain -rencontre des adhérents- et de bureau…
J’aime être au contact des gens sur le terrain, qui s’engagent à leur niveau pour que demain soit plus beau qu’aujourd’hui. Ces échanges sont gratifiants, motivants et toujours riches d’enseignements.

Quelles sont les qualités professionnelles que vous appréciez ?

Autonomie, engagement, esprit d’équipe.

VOTRE PAYS BASQUE

Quel est votre meilleur souvenir au Pays basque ?

Lorsque je travaillais sur Paris ou Strasbourg et que je revenais pour les vacances au Pays Basque, je ressentais physiquement un énorme soulagement en arrivant dans la région. Comme une première bouffée d’oxygène après une longue période passée en apnée…

Cette sensation physique reste un souvenir incroyable pour deux raisons : la première pour son intensité, la seconde parce que, loin d’être malheureux dans les différentes régions où je travaillais, je ne l’explique toujours pas…

Quels sont les endroits que vous aimez fréquenter ?

Océan & montagne, montagne & océan : que ce soit la Côte des Basques à marée basse, sur le sable ou au coucher du soleil, à guetter le rayon vert, ou les randonnées dans les Pyrénées proches et là les lieux ne manquent pas. N’importe quel sommet ou chemin relativement peu fréquenté.

À quoi ressemblerait votre Pays Basque Idéal ?

Pour moi le Pays Basque idéal serait un Pays Basque à la pointe de l’innovation sociale et écologique, un havre de paix à l’écart de l’hystérie consommatrice collective.
C’est un pays dans lequel chaque habitant serait pleinement conscient de la chance de vivre dans un tel environnement et ou chacun, à son niveau, œuvrerait pour sa préservation.
C’est un Pays dans lequel la compétition serait remplacée par la collaboration.

VOTRE QUESTION

Quelle question aimeriez vous poser si vous étiez sûr(e) d’avoir la réponse ?

Nous habitons sur une somptueuse petite planète au milieu d’un Univers immense et nous nous comportons au quotidien comme si ses ressources étaient inépuisables. Alors que depuis plusieurs décennies, nous savons que nous allons droit dans le mur, nous ne changeons globalement pas nos comportements au quotidien.

A quoi ressemblera notre planète dans 100 ans d’ici?